(Philosophie) ou état de la Philosophie avant le déluge. Quelques-uns de ceux qui remontent à l'origine de la Philosophie ne s'arrêtent pas au premier homme, qui fut formé à l'image et ressemblance de Dieu : mais, comme si la terre n'était pas un séjour digne de son origine, ils s'élancent dans les cieux, et la vont chercher jusque chez les Anges, où ils nous la montrent toute brillante de clarté. Cette opinion parait fondée sur ce que nous dit l'Ecriture de la nature et de la sagesse des Anges. Il est naturel de penser qu'étant d'une nature bien supérieure à la nôtre, ils ont eu par conséquent des connaissances plus parfaites des choses, et qu'ils sont de bien meilleurs philosophes que nous autres hommes. Quelques Savants ont poussé les choses plus loin ; car pour nous prouver que les Anges excellaient dans la Physique, ils ont dit que Dieu s'était servi de leur ministère pour créer ce monde, et former les différentes créatures qui le remplissent. Cette opinion, comme l'on voit, est une suite des idées qu'ils avaient puisées dans la doctrine de Pythagore et de Platon. Ces deux Philosophes, embarrassés de l'espace infini qui est entre Dieu et les hommes, jugèrent à propos de le remplir de génies et de démons : mais, comme dit judicieusement M. de Fontenelle contre Platon, Histoire des Oracles, de quoi remplira-t-on l'espace infini qui sera entre Dieu et ces génies, ou ces démons mêmes ? car de Dieu à quelque créature que ce sait, la distance est infinie. Comme il faut que l'action de Dieu traverse, pour ainsi dire, ce vide infini pour aller jusqu'aux démons, elle pourra bien aller aussi jusqu'aux hommes ; puisqu'ils ne sont plus éloignés que de quelques degrés, qui n'ont nulle proportion avec ce premier éloignement. Lorsque Dieu traite avec les hommes par le moyen des Anges, ce n'est pas à dire que les Anges soient nécessaires pour cette communication, ainsi que Platon le prétendait ; Dieu les y emploie par des raisons que la Philosophie ne pénétrera jamais, et qui ne peuvent être parfaitement connues que de lui seul. Platon avait imaginé les démons pour former une échelle par laquelle, de créature plus parfaite en créature plus parfaite, on montât enfin jusqu'à Dieu, de sorte que Dieu n'aurait que quelques degrés de perfection par-dessus la première des créatures. Mais il est visible que, comme elles sont toutes infiniment imparfaites à son égard, parce qu'elles sont toutes infiniment éloignées de lui, les différences de perfection qui sont entr'elles disparaissent dès qu'on les compare avec Dieu : ce qui les élève les unes au-dessus des autres, ne les approche guère de lui. Ainsi, à ne consulter que la raison humaine, on n'a besoin de démons, ni pour faire passer l'action de Dieu jusqu'aux hommes, ni pour mettre entre Dieu et nous quelque chose qui approche de lui plus que nous ne pouvons en approcher.
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